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Des trucs et des machins
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Des trucs et des machins
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26 mai 2007

Si Tolstoï et Dostoïevski s'étaient mis à l'art séquentiel

Je vais placer ici un texte écrit par la personne qui m'a donné envie de lire Cerebus après avoir découvert l'existence de ce graphic novel de 6000 pages, ça m'évitera de paraphraser ce qui a déjà été dit en mieux :

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Cerebus est un oryctérope. Il évolue dans un monde entièrement peuplé d'êtres humains qui ne semblent pas frappés plus que ça de sa spécificité. La série se présente sous la forme d'une suite de TPBs de 240 à 600 pages (rassemblant donc des arcs d'une quinzaine ou d'une trentaine d'épisodes), sauf Church and State qui se déplie sur plus de mille pages et deux tomes. Le premier TPB qui constituait également les débuts de Dave Sim dans le milieu se présente effectivement comme une série d'aventures d'heroic fantasy parodiant ouvertement Conan. Le personnage de Cerebus est déjà celui qu'il sera pour longtemps, un "animal" totalement buté, essentiellement motivé par l'appât du gain, dont la pensée primaire fait qu'il parle de lui à la troisième personne. D'autres personnages sont présentés qui deviendront des personnages récurrents pour looongtemps.
Dès le deuxième tome, la série change du tout au tout. Il ne sera plus jamais question d'heroic fantasy (ni monstres, ni guerriers, ni magiciens) et l'univers devient très nettement victorien. Arrivé dans un hôtel de grand luxe, Cerebus qui pensait devoir user de la menace pour avoir une chambre est accueilli comme un prince, installé d'office à la meilleure table du restaurant, tous les représentants des lobbys industriels de la région lui font une cour terrible afin qu'il les sorte du labyrinthe administratif où le pouvoir technocratique les a plongés ! Cerebus finit par comprendre que tout ça, c'est la conséquence d'une rencontre faite aux cours de ses aventures conanesques. Sa rencontre avec Lord Julius, sosie de Groucho Marx qui dirige la cité s'est soldée par sa nomination au titre de chef des cuisines, ce qui dans le système politique compliqué du coin équivaut plus ou moins à être chef de la police secrète ! Dorénavant, Cerebus va se retrouvé mélé à un enchevètrement impossible de machinations ourdies contre Julius et/ou par lui. Il sera conduit à poser à contrecoeur sa candidature à la mairie...
Voilà, contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas là du résumé de la série mais tout juste du début du deuxième tome (qui est essentiellement consacré à la campagne menée pour le faire élire). Dorénavant, Cerebus va devenir une série dont l'amplitude scénaristique et l'ambition n'ont aucun équivalent en bande dessinée (à mon humble connaissance). Sim est parvenu au travers d'une série sauvagement drôle (on pense à Mel Brooks, aux Marx brothers, aux Monty Pythons, Sim est à la hauteur de ses inspirations) à produire simultanément une autobiographie, une étude de moeurs et à écrire, à travers la vie d'un cochon qui parle, sur tout ce qui l'intéresse, aussi bien dans le domaine des comics et de leur fans (les super héros sont représentés via le Roach, un schyzophrène à personnalités multiples très atteint qui endosse tout les costumes et énonce ses propres "captions" à haute voix pendant l'action), que de la politique ou du sens de la vie et de l'art. Tout ça lui a valu pas mal d'inimitiés et autres problèmes juridiques, notamment parmi certains mouvements féministes (sa thèse, longuement étayée, selon laquelle les Etats-Unis sont en réalité un matriarcat en a énervé pas mal, elle est pourtant loin d'être sexiste, c'est du pouvoir des mères et de la prévalence de la notion de sécurité sur celle de liberté qu'il est question et non d'une hypothétique tyrannie des femmes).
Mais toujours, l'oeuvre restera centrée autour de ce petit machin furax, (que certaines de ses connaissance s'évertuent à prendre pour un enfant en costume de lapin) et d'une galerie de personnages passionnants, sans qu'il soit possible de rattacher la chose à un genre particulier, ni même d'en faire vraiment le tour. Enfin, voilà, vous voyez le genre, c'est très drôle (du genre qui fait rire en public comme un con) mais c'est un peu prise de tête, et ça se lit pas pour se détendre, c'est clair. Ce type a produit vingt pages par mois de Cerebus pendant 25 ans (vingt-cinq ans !), sans aucune interruption, j'aime mieux vous dire qu'il est du genre obstiné et qu'il aime approfondir les choses...

Pour s'y mettre, y a pas, faut commencer par le début, tout en sachant que le premier tome n'a rien à voir avec tout le reste et qu'il est super mal dessiné. Dès le tome suivant, plus rien n'est à jeter (et avec l'arrivée Gerhard aux décors, c'est devenu hyper classe). Le trait est maîtrisé (surtout si comme moi, vous attachez particulièrement d'importance aux expressions des visages), la mise en page est d'une inventivité constante, c'est drôle, c'est intelligent et méchamment incorrect et c'est plein de sosies de Marty Feldman et des Rolling Stones qui jouent aux cartes, que peut-on espérer de mieux, je vous le demande ?
Que ça s'arrête ?
Accordé.

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